Faute d’une arrivée tardive en Europe (les blockbusters comme celui-ci étaient sortis depuis belle lurette au Japon mais de façon plus « espacées »), trois développeurs phares avaient décidés de balancer leurs bombes nucléaires respectives chez nous et ce, pour les fêtes de fin d’année.
Entre Capcom (Street Fighter II, Super Ghouls’n Ghosts, Final Fight), Nintendo (Super Mario World, The Legend of Zelda : A Link to the Past, Super Mario Kart, F-Zero) et Konami (Super Castlevania IV, Super Probotector, Axelay), à plus de 500 balles la cartouche, seul crésus lui-même pouvait suivre le rythme !
Avec ses boites au ton argenté et attractives (design approuvé depuis la NES et illustrations de grande classe, très certainement exécutées par le même artiste), Konami faisait en effet partie du haut du panier des développeurs « bankables » pour Nintendo et Turtles in Time ne faisait que confirmer cette règle.
Nous sommes le 24 décembre 1992. Haaaaaa la magie de Noël d’antan : Le grand sapin du salon, les guirlandes, les rues illuminées par leurs lumières si particulières, les châtaignes (à déguster, pas sur la tronche !).
Ça y est, nous y sommes et moi je n’en pouvais plus de patienter ! Je savais pertinemment ce qui m’attendait au pied du sapin et c’était insoutenable. En réalité, ce jour était marqué par deux choses : l’achat de mon premier Consoles +, le numéro 15, illustrant sur sa couverture aguicheuse le faciès de l’une des quatre mythiques tortues baignées au mutagène (annonçant le test de Hyperstone Heist, la déclinaison sur Megadrive) et… Le paquet cadeau qui allait faire de ce Noël, l’un des plus beaux réveillons que je n’ai jamais vécu : TMHT IV sur Super Nintendo !
Il faut savoir qu’à l’époque, je ne connaissais que très peu l’univers de Dragon Ball, du moins, j’étais captivé par cette licence car j’ai grandi avec ça depuis l’âge de mes six ans mais j’étais loin d’être addict comme je le serai quatre mois plus tard avec l’arrivée de Super Butoden…
Non, pour moi, un seul dessin animé pouvait me faire réagir au quart de tour, ne ratant en aucun cas les épisodes, à l’époque diffusés sur FR3, adepte des jouets et de toutes sortes de features se rapprochant de près ou de loin à ces reptiles, faisant de moi un véritable esclave de cette mode planétaire, qui faisait à cette époque des ravages dans les cours de récré : Les Tortues Ninja !
Du premier titre sur NES (que j'avais sur micro), en passant par la borne d'arcade de Konami (jouable à quatre, que j'avais croisé par inadvertance à l'occasion d'une fête foraine), au premier opus sur Game Boy et j'en passe… Il me fallait absolument tout (au grand damne de mes parents…).
À défaut de pouvoir vous décrire dans quelle circonstance j'avais découvert les premiers screens de Turtles in Time sur Super Famicom (très certainement dans un magazine d'époque genre C+), je ne pense pas me tromper en vous disant que j'étais réduit à l'état de transe !
Une véritable effusion de couleurs, des sprites détaillés et grossiers, le tout sous forme d’un beat’em all et jouable à deux ! C’en était trop, ce jeu serait mien, d’une façon ou d’une autre. Tendance de l'époque (et encore plus de nos jours quand on y réfléchit), le fait de coller un chiffre derrière le titre d'un jeu ou d'un film (en l'occurrence le 4, fétiche à la Super Nintendo) était vendeur !
Je ne connaîtrais que bien plus tard la véritable identité de ce jeu : Turtles in Time, c'est ni plus ni moins que la conversion du second opus sorti sur arcade et développé par Konami (détenteur exclusif des droits pour les conversions vidéoludiques de cette licence au combien rentable).
Mais peu importe, quand on est gamin, on s’en fout, on a rarement été devant une borne (sauf celle de Street Fighter II…), la comparaison entre l’original et la conversion sur console n’a pas lieu d’exister !
Le pitch est des plus basiques et clairement suffisant pour un beat’em all : comme d’habitude, Schneid… Shredder et son Clan des Foot ont décidé d’embêter nos quatre créatures reclues de la société en envoyant Krang (enfin, plutôt son humanoïde…) voler la Statue de la Liberté !
Il n'en faudra pas plus à Leonardo, Michelangelo, Donatello et Raphaël (pourquoi toujours lui en dernier ?) pour sortir de leur égout du Bronx afin de réparer ce délit, délit ayant d'ailleurs des allures d'invitation piégée (gnark gnark gnark).
Si les quatre premiers levels peuvent sembler banals dans leur cheminement (échafaudages, quartiers mal fréquentés et égouts de New-York, Technodrome), nos amies à carapaces se verront propulsées dans la Préhistoire, à l’époque des pirates, au Far West, dans le futur et sur une station orbitale dés le cinquième round !
Comme son titre l’indique, c’est en effet un véritable voyage dans le temps que nous propose cette quatrième aventure des Turtles, ce qui en fait l’un des jeux les plus aboutis de la licence pour son originalité. Néanmoins avec le recul, cette trame n'est que prétexte pour pouvoir insérer tout le « bestaire » nécessaire et parfaitement en adéquation avec l'époque dans laquelle les Turtles sont propulsées (parfois même différent par rapport à la version arcade selon la dimension, ce qui reste aujourd'hui une énigme…).
Par exemple, si les levels à New-York nous permettent d’étaler les raclures les plus connues du gang de Shredder (les cyborgs, les droïdes électriques Roadkill, les Mousers…) et des boss forcément charismatiques (Baxter, Metalhead, Rat King, Tokka, Rahzar…), les époques parcourues vous confronteront aux soldats de pierre et Slash, la « Bad Turtle » (mon boss préféré !) dans la Préhistoire, les deux débiles Bebop et Rocksteady, encore capables de se taper l’un sur l’autre, chez les pirates, Leatherhead l’alligator, à bord de l’express du Far Wast, ou encore Krang voire même… Super Shredder (raaaaahhhh).
Ne lui voilons pas la face, véritable produit taillé Fan Service, Turtles in Time nous propose un voyage certes original mais tout en suivant des codes types et archi connus des productions beat’em all de l’époque : du parcours à scrolling classique, en passant par les levels bonus précalculés (les phases en skateboard), les ascenseurs…
Peut être un peu banal sur le fond, Turtles in Time nous propose néanmoins le plus essentiel : marave du Foot Clan seul ou en duo… Et Dieu que c’est bon ! Il est en effet nécessaire de se resituer dans l’époque.
En terme de beat’em all sur Super NES, nous n’avions pas énormément de choix sur notre territoire hormis un Final Fight certes fidèle mais complètement amputé (un level en moins et non jouable à deux), un Rival Turf (Rushing Beat au Japon) moyen, seul Super Probotector pouvait encore sauver la mise, permettant aux gamers de se soulager à plusieurs après la journée de boulot (rien de sale) !
On peu donc dire que Turtles in Time arrivait à point nommé et qu'il marchait clairement sur les plates bandes d'un certain Streets of Rage 2 (Bare Knuckle 2), lui aussi désormais légendaire et sorti sur la machine concurrente au même moment en Europe (quelle dure époque…).
Doté d’un Level Design qui lui est propre et en cohabitation parfaite avec son univers, Turtles in Time ne peut s’empêcher d’intégrer deux ou trois petites subtilités mais, encore une fois, pompées sur les ténors et grands classiques du beat’em all.
Elles devront par exemple faire gaffe à éviter quelques planches au sol du bateau, les boulets de démolition et les plaques d’égout de New-York, éviter de percuter un Raptor dans sa course… Nous nous retrouvons alors dans des situations assez comiques et bon enfant, rappelant que le titre de Konami est dédié avant tout pour le grand public. N'en déplaise aux deux ou trois ralentissements et autres clippings, que l'on pourra constater en cours de route, même si Turtles in Time n'est pas le jeu le plus abouti de la Super Nintendo, se retrouvant même amputé d'animations et bien moins rapide par rapport à la version originale (très certainement du à la quantité de mémoire restreinte de la petite 16 bits), il n'en reste pas moins que le titre fait preuve de punch et d'un certain charme.
C’est bourrin bien comme il faut, les ennemis déboulent dans tous les sens, la 16 bits du plombier est ici mise à contribution avec effets de zooms, distorsions et autre Mode 7 (déployé lors du stage bonus sur le skate, dans le futur !).
Au delà de son background Turtles in Time est en effet conçu, est pensé pour un public jeune et reste accessible à tous dans son gameplay.
La grande règle de l’équilibre étant respectée selon la tortue sélectionnée : Leonardo et Michelangelo, les intermédiaires, Donatello, le plus lent, mais possédant une bonne allonge et enfin Raphäel, le nerveux mais avec sa portabilité digne d’un cure-dent…
Chacune d'entre elles se verra dotée de ses forces et faiblesses mais reposeront sur une base identique. On ne change pas une formule qui gagne et nous retrouvons encore une fois de grands classiques comme la possibilité de déclencher une spéciale destructrice, à défaut de perdre un peu de santé (Final Fight…), de rusher, mettre un coup d'épaule à l'adversaire (Golden Axe…) pour le déstabiliser et ainsi pouvoir le claquer au sol de part et d'autre (Astérix sur Arcade…) ou alors, et c'est une exclusivité, le propulser en l'air, le dirigeant droit sur l'écran ! Cette possibilité donnera d'ailleurs deux ou trois bonnes idées à Konami puisqu'elle s'avère l'arme indispensable pour mettre en difficulté Shredder caché dans son cockpit lors du level 4 ! Imaginez-vous en effet, à moitié aveuglé par le casque du bonhomme, situé au premier plan de l’écran, en train d’esquiver les ennemis pour ensuite les balancer dans sa vitre ! C’est foutrement osé mais bien pensé !
Fidèle encore une fois aux grandes traditions, vous trouverez sur votre chemin de quoi vous refaire une santé (les parts de pizza) et autres bonus comme les « Pizza Power », vous permettant, le temps de quelques secondes, de balayer l’écran des parasites tout en étant invincible.
Ayant bénéficié d'un soin tout particulier concernant sa bande sonore, aussi bien sur les thèmes musicaux remixés et directement issus de l'œuvre animée (que l'on retiendra encore vingt ans après !) que sur les voix digitalisées, Turtles in Time n'a certes pas mis tout le monde d'accord lors de sa sortie, si ce n'est par sa réalisation inégale et comparée à des titres sur Neo Geo (la grosse blague !) ou sa faible durée de vie : un petit deux heures pour en venir à bout.
Son mode versus (fight un contre un) ne sauvera pas la mise, car étant limité à la sélection des quatre tortues, mais inspirera le développeur pour nous pondre l’un des meilleurs jeux de baffes de la console un an plus tard (Tournament Fighters fait partie de mon top 10 « Best Games Ever »). Il n'en reste pas moins qu'il fait partie de ces titres que l'on refait avec grand plaisir et qu'il a su marquer les esprits au fil des siècles (paradoxal n'est-ce pas…), n'en déplaise au récent remake « Re-Shelled » sur les plates-formes Live qui n'atteint pas la moitié de son charme…
C’est d’ailleurs un gros problème pour les collectionneurs : la version PAL FAH et complète de Turtles in Time commence à se négocier très cher aujourd’hui, elle est même passée du simple au double en terme de coût sur un an !
Aujourd’hui recherché et convoité, c’est comme si la réputation de ce jeu mythique a eu du mal à démarrer mais le constat est sans appel : sa valeur est comparable à celle de Super Castlevania IV et Super Probotector (n’espérez pas moins de 100 € pour du BE) !
Ayant vécu pendant sept ans avec une version FRG, également récupérée en condition MINT, mettre la main sur le jeu dans sa version PAL FAH et ce dans les mêmes conditions (en gros ce que j'avais étant gosse), était de première nécessité !
Récupéré sur Leboncoin (avant que sa valeur ne passe un cap supplémentaire) et par bonheur en état également Near MINT, même si l’achat de cette légende m’a demandé un petit sacrifice financier, il fait de moi un homme comblé et également prêt du but dans sa collecte de jeux PAL FAH sur Super NES…
Ce n'est que deux and plus tard, à l'occasion d'un troc de bon procédé avec une connaissance sur Facebook (le pauvre venait à peine de récupérer le jeu dans son Cash), que j'ai enfin pu upgrade mon exemplaire pour une boite MINT quasi-parfaite… Et oui, la vieillesse et l'expérience nous rendent encore plus exigeants !
AndJoy !!!