The Secret of Monkey Island n'est pas un soft comme les autres, c'est un modèle du genre, une véritable révolution qui donnera naissance à trois excellentes suites mais aussi à un remake complètement dépoussiéré vingt ans après sa sortie et, c'est sans appel, il fera lui aussi un carton !
Pourtant, après quelques recherches vite fait sur la toile, les origines de Monkey Island nous paraissent tout de suite plus évidentes. L'excentrique Ron Gilbert, jusqu'ici connu pour nous avoir pondu le grand, le mythique, que dis-je, le légendaire Maniac Mansion, avait imaginé un jeu sur les bases de l'attraction « Pirates of the Caribbean ». Oui ! Bien avant le film sorti en 2003 sur les grands écrans, Gilbert avait pris comme base cette attraction créée en 1967 et bien connue d'un réputé parc d'amusement floridien (je ne prendrai pas la peine de vous dire lequel, je pense que vous le savez) ! Il ne lui restait plus qu'à proposer à sa firme, LucasArts, les grandes lignes de ce projet complètement dingue. Faute de temps, le bonhomme gardera une bonne partie de ses idées pour un second opus encore plus ambitieux.
De son esprit complètement tordu naîtra alors un véritable chef d'œuvre dont le concept, les idées, l'humour, l'univers et le gameplay seront moultes fois pompés par la concurrence mais jamais égalés… Le système « SCUMM » (Script Creation Utility for Maniac Mansion), qui consiste à sélectionner des actions propres sur des objets/PNJ et sélectionnables via la partie inférieures de l'écran par un simple clic, sera alors repris mais au combien amélioré de par les nouvelles possibilités qu'offrira The Secret of Monkey Island.
C'est sur l'Île de Mêlée que le jeune et intrépide Guybrush Threepwood va vouloir faire ses preuves auprès du conseil des pirates, réunit au Scummbar (héhé…), lequel lui imposera trois épreuves de passage : la chasse au trésor, le vol d'une idole chez le gouverneur de l'île, et enfin, le combat contre Carla, la Reine du sabre. Naïf et méprisé par la communauté des pirates de l'île, seul le courage et la persévérance de notre jeune boy-scout lui permettront de réaliser son rêve. Le jeu étant divisé en quatre chapitres bien distincts, la suite des évènements amènera notre apprenti flibustier à visiter un second archipel, l'énigmatique Île aux Singes, mais surtout à faire face à un tout autre problème plus important du nom de « LeChuck ».
Capitaine corsaire laissé pratiquement pour mort suite à sa dernière épopée, à savoir la quête du secret de l'Île aux Singes, on raconte que cet homme est revenu d'entre les morts sous forme zombifiée et qu'il sème la pagaille dans la communauté des pirates… Assurément un futur barrage aux ambitions du jeune Threepwood mais également une chance pour lui de se faire un nom s'il parvenait à mettre un terme aux agissements de ce fauteur de troubles !
Fidèle à elles même et dans les grandes traditions de leur savoir faire, les équipes de LucasArts imagineront alors un univers complètement barré et loufoque, parfois même dénué de sens ! La piraterie n'étant pourtant pas un sujet tabou, ne vous attendez surtout pas à vivre une expérience sérieuse !
En effet, si votre aventure vous apportera gloire et richesse, c'est avant tout les rencontres fortuites avec des personnages aussi surréalistes que contradictoires qui constituent le véritable trésor de ce jeu. Entre la Reine Carla, bretteuse redoutée de l'île qui s'avère n'être finalement qu'une paresseuse finie, Stand, le marchand de navires et avant tout escroc peu arrangeant, le conseil des pirates alcoolique qui ne jure que par le grog, la belle Elaine, gouverneur de l'île jouant les princesses en danger, Meathook, l'ermite amputé des deux mains (remplacées par des crochets) jouant les durs à cuire mais qui craint plus que tout les perroquets…
Vous l'aurez compris, chaque personnage que vous croiserez est travaillé dans le moindre détail et capable de vous rendre complètement cinglé à votre tour !
Cocasse serait un trop maigre mot pour qualifier les situations dans lesquelles Guybrush est amené à se fourrer ! À l'image du cadre assez spécial de l'île, les énigmes qu'il aura à résoudre n'ont pour la plupart du temps aucune logique, il vous faudra tout essayer pour vous en sortir, quitte à ce que la solution puisse vous paraître complètement absurde et débile comme par exemple utiliser un poulet en caoutchouc comme poulie, dénicher un trésor avec une leçon de danse…
Et comme si tout ça ne suffisait pas, les équipes de LucasArts ont intégré un tas de bonnes idées au combien astucieuses. En effet, même si l'on parle de piraterie, inutile ici de tomber dans les clichés de la violence remplacée par l'humour et l'autodérision. L'exemple le plus flagrant étant l'entrainement au combat au sabre ! Que ce soit via la machine à insultes ou en affrontant les différents flibustiers de l'île, Guybrush devra apprendre de nouvelles injures pour ainsi obtenir le répondant nécessaire au duel contre Carla, la Reine au Sabre…. Le combat à mort se transformant alors en combat d'insultes !
Est-il enfin utile de souligner que les thèmes très reggae signés Michael Z Land, compositeur agréé des productions LucasArts, font ici mouche et indélébiles à l'esprit du joueur ? Elles seront d'ailleurs d'avantage mises en avant avec la réédition CD-ROM qui paraîtra un an plus tard (1992).
Visuellement très inspiré, The Secret of Monkey Island dispose de sa propre patte artistique, variant entre style cartoonesque (pour les environnements) et réaliste (pour les cutscenes de dialogues montrant les personnages en gros plan). Bourré de tas d'idées en background avec la présence de détails à foison, le soft sait d'ailleurs se montrer très généreux sur la dimension de l'île et sur certains tableaux pouvant parfois occuper deux écrans (scrolling horizontal) !
Après avoir trouvé, par miracle, la version ST dans sa déclinaison francisée, complète et ce à un prix plus que dérisoire (bref une chance monstrueuse), ce bijou m'est apparu sur un réputé site d'enchères mondial… Comme je l'ai expliqué dans les premières lignes de cette chronique, il m'a fallu du temps, beaucoup de temps pour dénicher la version PC qui est de loin la plus rare des trois (PC, Amiga, ST).
Alors qu'en début d'année, celle-ci se trouvait encore pour un prix assez honnête, force est de constater que depuis quelques mois, la déclinaison PC de ce monument du point and clic est clairement en voix de disparition et manque de bol pour bien faire, c'était le dernier titre manquant à ma collection big box !
Le fait est que la version PC est sortie, à ma connaissance, en trois déclinaisons : la première sur disquettes 5 pouces ¼ et en anglais EGA (16 couleurs, à l'instar de la version ST) en octobre 1990, la seconde sur huit disquettes 3 pouces ½, traduite entièrement en français par une recrue de LucasArts, en VGA (256 couleurs comme le fut l'opus Amiga), sortie en même temps que les versions concurrentes, en juin 1991 et enfin la version CD-ROM, en 1992, qui réunit tous les avantages de la précédente avec en prime les thèmes musicaux remastérisés (ni plus ni moins que les versions consoles et l'édition « Collection LucasArts »)… Possédant déjà l'opus CD-ROM, la seconde version était l'objectif à atteindre !
The Secret of Monkey Island sur PC est clairement le genre de titre qui ne passe pas deux minutes, montre en main, sur les forums ! Bref, impossible de mettre la main dessus si vous avez une vie sociale ou si vous travaillez la journée ce qui fut mon cas… Compte tenu de son prix astronomique dans sa toute première version (5 pouces ¼) qui est tout de même arrivée à trouver preneur après quelques mois de mise en ligne sur un célèbre site marchand français, cette vente me donnait (malheureusement) une base de prix à verser pour dénicher mon Graal sur PC !
Un gros sacrifice certes mais que je ne regrette pas, comme pour certains jeux de ma collection que je ne vois plus passer depuis un moment…
Vous l'aurez donc compris chers gamers : drôle, moqueur, innovant, long (une bonne trentaine d'heures, c'est marqué derrière la boîte !), agréable à l'œil, accrocheur, bourré d'idées révolutionnaires bref, les qualificatifs me manquent… The Secret of Monkey Island est plus qu'un modèle, c'est un exemple.
Exemple qui marquera d'ailleurs les prochaines productions de point and click non seulement chez son concepteur mais également chez la concurrence !
Qu'il s'agisse d'une compilation, d'un remake ou d'une version rééditée, un seul mot est alors en accord avec ce titre : indispensable…