Le contrat d’exclusivité liant Capcom et Nintendo étant arrivé à terme, Sega peut donc se réjouir et faire un gros fist à Nintendo : Street Fighter II’ : Special Champion Edition va faire un carton (sérieux ?) et va se vendre par camions : vengeance !
Les heureux possesseurs de Super NES le savent, Street Fighter II était déjà parfait… Il avait conquit, le temps d’une année, le cœur de plus de 12 millions de joueurs à travers le monde grâce à son gameplay diabolique, sa réalisation exceptionnelle et la richesse de son casting. Seulement voilà, les boites concurrentes ayant senti le bon filon, ont tout doucement commencé à mettre dans les rayons leurs propres softs du genre et nul n’était sensé ignorer la guerre des jeux de baston. Capcom, victime de son propre succès, se voyait en effet opposé à de nombreux challengers locaux et c'est ainsi qu'SNK ne tardera pas à sortir une multitude de licences juteuses pour sa Neo Geo, la Rolls du genre.
Alors que Samurai Spirits (Samurai Shodown), Garou Densetsu (Fatal Fury) voire même Ryoko no Ken (Art of Fighting) ne seront que les prémices d'une longue série de rouleaux compresseurs qui n'hésiteront d'ailleurs pas à écraser quiconque se mettra en travers de leur chemin (la réputation de ces séries et de la machine qui les accueille n'étant plus à faire, malgré le coût inaccessible d'une seule de ces cartouches pour le public lambda…), v'la ti pas une société américaine, Midway, qui arrive tranquillou avec sa borne d'arcade, un dénommé Mortal Kombat (qui n'allait pas tarder à arriver sur nos consoles, c'était logique…), venu mettre un peu plus de piment dans cette guerre et le pire, c'est qu'on aimait ça…
Devant tout ce foin, Capcom se devait de réagir et à peine un an après la sortie de Street Fighter II sur la 16 bits du père plombier, le développeur décide de nous ressortir sa licence qui corrigera, si j’ose dire, de nombreux points faisant « défaut » à l’original tout en l’améliorant. Ainsi naîtront Street Fighter II Turbo chez Nintendo et Street Fighter II’ : Special Champion Edition sur Megadrive et PC-Engine, également connus sous le nom de Street Fighter II’ : Hyper Fighting au Japon…
Tenant sur 24 Meg, argument bien entendu marketing à l’ère où le public était encore convaincu par des chiffres, cette cartouche marquera ainsi le début d’un concept, et d’une fâcheuse habitude, que Capcom a lui-même mis au point : ressortir le même soft, vendu au prix fort, mais en l’améliorant un peu tous les ans, d’où la réputation « foutage de gueule » du développeur… Rentabilité maximum pour un minimum d’effort récompensant soit les plus patients, soit les plus fortunés. Et on se dit que pour le coup, les fans du petit hérisson bleu ont eu raison de leur patience ! Street Fighter II' : Special Champion Edition propose pas mal de petits ajouts sympathiques par rapport à l'opus original, à commencer par son mode « Hyper »… Késako ?
Plus réactif, plus rapide, plus agréable à jouer… Ce n’est un secret pour personne, les jeux de baston, et c’est également applicable sur les autres genres, voient leur intérêt pratiquement doublé lorsqu’ils tournent sur leur format d’origine, en import et donc en 60 hz.
Street Fighter II' nous offre ce privilège dans sa version PAL avec la possibilité de régler la vitesse du jeu sur dix niveaux ! On aurait alors pu craindre de légères accroches sur le plan de l'animation mais il n'en n'est rien : cette Special Champion Edition reste un modèle de fluidité, sa difficulté s'en retrouve même accrue dans la mesure où tout se passe beaucoup plus… Rapidement !
Contrairement aux possesseurs de Super NES, les gamers Sega ne connaitront pas cette frustration d'avoir été laminé par les quatre derniers remparts du jeu, les boss, sans pour autant avoir la possibilité de les sélectionner ! Désormais disponibles par défaut, M.Bison, Balrog, Sagat et Vega (ainsi que leur stage respectif), bien que rééquilibrés par rapport à Street Fighter II, apportent un réel cachet à cet opus.
À noter d’ailleurs que leur gameplay est loin d’être évident, se rapprochant plus de celui d’un personnage comme Guile ou Blanka avec des manips type maintient arrière, avant + poing/pied ou maintient bas, haut + poing/pied… Seul Sagat se démarque du lot avec sa jouabilité en quart de cercle à la Ryu/Ken (logique). À moi le personnage que je trouvais juste abusé sur Super NES : Balrog ! Celui-ci devint rapidement mon personnage fétiche, avec qui je défonçais n'importe qui, à la maison comme en salle d'arcade ! Je vous invite même à le tester en mode 10 étoiles car étant le personnage le plus rapide du jeu (à mon sens), il est juste improbable de faire une partie correctement…
Côté technique, la Megadrive s’en sort relativement bien mais reste malgré tout en deçà de la version Super NES car moins colorée. Et oui, sempiternel problème de la Dame Noire, celle-ci ne peut s’aligner sur sa concurrente car dispose d’une palette de couleurs qui est moindre (64 couleurs contre 256 chez Nintendo !). Mais les programmeurs de Capcom connaissent leur boulot et sont néanmoins parvenu à nous sortir quelque chose de très acceptable, ils se rattraperont même en ajoutant deux ou trois éléments en background comme par exemple la pleine lune dans le stage de Ryu, absente sur Super NES !
En outre, j’en parlais dans la chronique de la version Nintendo et cela reste valable ici : les faciès sur l’écran de sélection des personnages ne fait pas l’unanimité. Cela n’engage que moi, mais je trouvais le graphisme des visages plus convaincant précédemment… Bien que paraissant plus « sauvages » avec des airs de tueurs pour la plupart, on a plus l’impression que les personnages se sont pris dix ans en pleine face (mention spéciale pour Ryu et ses petits poils au menton…).
Côté gameplay, les possesseurs de Megadrive qui ont un peu tâté (en cachette, chuuuuut) la version Super NES ne seront pas déroutés ici puisqu’il reste identique à l’original. Sega sortira même pour l’occasion l’argument qui mettre tout le monde d’accord puisqu’il était le gros handicap de sa machine face à celle de Nintendo : le pad six boutons !
La prise en main est comme d’habitude immédiate et instinctive et l’on ne peut que saluer l’initiative de Sega d’avoir sorti cette toute nouvelle manette qui concordera avec la distribution de la Megadrive II (le jeu reste jouable à trois boutons mais impraticable car il faut varier entre les séries poing/pied avec sélect…) malgré le fait qu’elle ait été un peu boudé par les puristes pour sa petite taille…
Sur Super NES (Street Fighter II Turbo) comme sur Megadrive (Street Fighter II’), pas de jaloux : cet opus hérite des coups supplémentaires de son modèle arcade, Hyper Fighting. Capcom étant passé maître du rééquilibrage, nous voilà donc avec un Dhalsim pouvant se téléporter à loisir derrière son adversaire, un Ryu/Ken pouvant effectuer son Hurrikan Kick dans les airs ou un Blanka qui peut désormais se mettre en boule (Rolling Attack) dans toutes les directions… Le prix d’honneur revient à Chun-Li qui devient désormais une combattante accomplie, puisque Capcom a jugé bon qu’elle puisse maintenant balancer des boules de feu (Kikoken) ! Il est d'ailleurs regrettable que Capcom n'est pas retravaillé le sprite de sa combattante pour l'occasion (le job sera fait sur Super Street Fighter II), se contentant d'une animation déjà existante…
On regrettera également la sempiternelle faiblesse de la Megadrive : son chipset sonore Yamaha (aye ! Ne me tapez pas !). Capcom a fait ce qu’il a pu et même si les thèmes originaux de Miss Shimomura sont facilement reconnaissables, force est de constater que l’on est un peu déçu de la synthétisation des voix : le rendu variant du passage à l’horrible quand on est habitué aux versions arcade et Super NES.
Alors oui, cette cartouche avait des airs de carotte (dans les deux sens du terme), puisque non seulement elle apportait des innovations non négligeables au premier opus sur Super NES, le faisant passer pour un produit obsolète au bout de quelques mois, mais en plus elle tenait le coup face aux tous nouveaux concurrents du genre… Mais fichtre tout de même !
Non content d’avoir récompensé les plus patients de l’époque et les fidèles de la marque au hérisson bleu, d’avoir été l’objet d’un bundle avec la dernière déclinaison de la 16 bits de Sega, la Megadrive II (qui devient assez rare je l’avoue), de briser la clôture de l’exclusivité Nintendo avec sa déclinaison sur Megadrive et Nec, Street Fighter II’ est un achat pertinent et largement trouvable pour les collectionneurs à la vue de son succès !
AndJoy !